Stéphanie Dufour, diplômée d’Audencia, dirige l’agence The Links depuis plusieurs années. Son expérience dans l’accompagnement de dirigeants et particulièrement de marques de l’Economie Sociale et Solidaire lui permet aujourd’hui de porter un regard éclairé sur le rôle fondamental des entreprises et des marques dans la sortie de la crise sanitaire actuelle.
« La crise sanitaire mondiale est une épreuve pour l’humanité toute entière. C’est un choc que nous n’avons jamais connu. Elle appelle chacun d’entre nous, individus comme entreprises, à un devoir de solidarité.
On a fermé l’économie en 8 jours dans tous les pays en même temps. Pour les dirigeants d’entreprises que nous sommes, la sidération des premiers jours a laissé place à la prise de conscience que les pertes à court terme sont inévitables et ne seront pas rattrapables. Il ne suffira pas, comme certains nous laissent entendre, de travailler plus pour compenser ces semaines au ralenti ou à l’arrêt, car il n’est pas question d’une crise de la demande ou de l’offre…
Nous avons d’abord eu le réflexe de la continuité grâce au numérique qui rend possible la poursuite d’un certain nombre d’activités avec une forme de distanciation. Très vite, nous avons géré « au mieux », en échangeant, en partageant les inquiétudes pour créer une atmosphère de confiance réciproque avec nos salariés.
Mais on ne va pas se mentir, ça commence à durer. Les nouvelles annonces du Président, lundi 13 avril, nous installent durablement dans ce confinement, et la routine visio, boulot, dodo nous guette… avec une certaine forme de renoncement, de sagesse, d’autolimitation et d’humilité.
Les dirigeants que nous sommes vont avoir plus que jamais besoin de renforcer la dimension et le besoin de sens pour continuer à engager leurs parties prenantes.
En même temps, la crise révèle les leaders, car ces moments sont propices à des choix stratégiques. Etymologiquement, le mot grec « krisis » signifie d’ailleurs capacité à distinguer, à séparer 2 options : celle de s’enfermer dans une vision court-termiste et de continuer à faire comme avant, ou celle de profiter de ce temps disponible pour « penser le monde d’après ».
L’un des principaux théoriciens de la collapsologie, Pablo Servigne, décrit cette pandémie comme « une crise cardiaque générale qui montre l’extrême vulnérabilité de nos sociétés ». Il explique que le corps social est encore vivant et que la question centrale est celle de l’adaptation à ces chocs successifs pour survivre. La survie repose sur l’entraide en jouant collectif pour le bien de tous.
« 77 % des Français attendent des entreprises qu’elles s’engagent sur des sujets de société… 80 % d’entre eux seront également prêts à quitter ou à boycotter une entreprise pour défaut d’engagement »*
Il est venu l’espoir d’un rebond, le temps de remettre les choses dans l’ordre : l’économie au service de l’homme, du progrès et du bien commun. La société l’a compris, elle compte désormais sur le savoir agir des entreprises. L’opinion publique dans 10 pays (Italie, Brésil, Corée du sud, Afrique du sud, Japon, Canada, UK, US, France, Allemagne) fait davantage confiance aux entreprises qu’aux gouvernants pour répondre à la crise**.
Et les inspirations ne manquent pas récemment, avec des entreprises qui se montrent utiles et servent l’intérêt général et les soignants, comme Décathlon et ses masques Easybreath, Accor et ses 2 000 chambres pour les soignants et personnes fragiles, la SNCF qui transforme ses TGV en trains sanitaires… ou avec les entreprises qui mettent en avant leurs offres en les adaptant ou en les rendant gratuites parce que la consommation continue, comme Monoprix qui livre gratuitement les soignants, ou Doctolib qui propose des consultations gratuites…
Beaucoup d’initiatives dont il faudra se souvenir et qu’il faudra savoir gratifier le moment venu.
C’est donc une opportunité pour les entreprises, d’assumer leur rôle dans la cité, au-delà des enjeux business, en définissant leur raison d’être, mais surtout en apportant les preuves concrètes de leur utilité. Car ce n’est plus le temps du discours, c’est celui du changement et de la mise en œuvre. Et pour cela, il y a bien quelque chose dont nous avons besoin en ce moment pour en sortir, c’est la créativité !
Confinement vôtre. »
*Enquête MOAÏ, Groupe The LINKS sur l’Engagement des Français (décembre 2019)
**Baromètre Edelman intelligence