La crise sanitaire a considérablement bouleversé l’économie mondiale, le marché du travail et nos modes de vie. A court terme, déjà, nous nous rendons compte de certains changements, notamment dans nos habitudes de travail ou sur l’impact qu’a eu la pandémie de Covid-19 sur certains secteurs d’activités.
On imagine aisément que les conséquences ne vont pas s’arrêter là et l’étude « The future of work after COVID-19 » publiée en février 2021 par le cabinet McKinsey nous donne déjà des pistes et tendances très éclairantes sur les évolutions à plus long terme sur l’emploi, les métiers, les compétences, les activités et les modes de travail.
Parmi les tendances marquantes, on ne sera pas surpris de noter que le télétravail va s’accélérer, que le commerce en ligne va encore progresser, que les nouvelles technologies vont profondément impacter les métiers et les compétences. Par exemple, environ 22 % des emplois en Europe (soit 53 millions) pourraient être automatisés d’ici à 2030.
L’étude met aussi en lumière le rôle crucial des gouvernants et des entreprises pour anticiper les mutations, faciliter les transitions et accompagner les travailleurs pour changer de métier ou monter en compétences.
Découvrez notre synthèse de l’étude du cabinet McKinsey !
Les impacts de la crise sur l’évolution des activités et des modes de travail
Le travail à distance et les réunions virtuelles vont se poursuivre
Alors que le travail à distance commençait timidement à s’ancrer dans les esprits et les pratiques, la crise de la Covid-19 a soudain donné un énorme coup d’accélérateur à cette tendance puisqu’un grand nombre d’entreprises a dû y avoir recours pour pouvoir maintenir l’activité.
Désormais, le télétravail est devenu une réalité quotidienne pour un grand nombre de salariés. L’étude de McKinsey estime que 20 à 25 % des salariés pourraient travailler à domicile 3 à 5 jours par semaine. C’est cinq fois plus que le taux pratiqué avant la pandémie.
Pour certaines professions qui n’ont pas besoin de cadre spécifique ou d’équipement spécial autre qu’un ordinateur connecté, l’étude révèle que 70 % du temps de travail pourrait être effectué à distance sans perdre d’efficacité.
Le recours au télétravail aura probablement des conséquences sur la géographie du travail car on perçoit déjà l’éloignement des travailleurs des grandes agglomérations. D’ailleurs, certaines entreprises anticipent déjà ce changement vers un modèle de travail hybride en réduisant leurs espaces de travail. Selon McKinsey, les dirigeants interrogés envisagent de réduire de 30 % en moyenne la surface de leurs espaces de travail. L’activité des restaurants, commerces et transports publics pourrait diminuer par effet de ricochet.
Les voyages d’affaires risquent eux aussi de diminuer, au profit de visioconférences, même si, pour certaines négociations ou actes importants, la rencontre physique reste de mise.
Le e-commmerce et les activités en ligne vont continuer à se développer
Les périodes de confinements ont été l’occasion, pour de nombreux consommateurs, de découvrir ou de pratiquer plus intensément les achats sur internet et d’autres activités en ligne. En 2020, la part du e-commerce a augmenté selon les pays de 2 à 5 fois plus vite qu’avant la crise. La commodité de ce canal d’achat fait qu’aujourd’hui, environ trois quarts des personnes interrogées ayant utilisé les canaux numériques pour la première fois pendant la pandémie, déclarent qu’elles continueront à les utiliser après la crise.
Ce fleurissement du e-commerce a favorisé la croissance des emplois dans les domaines de la livraison, du transport et de l’entreposage. En Chine, les emplois liés au commerce électronique, à la livraison et aux médias sociaux ont augmenté de plus de 5,1 millions au cours du premier semestre de 2020.
D’autres types de transactions virtuelles, comme la télémédecine, la banque en ligne et le divertissement en continu, ont également connu un franc succès. En Inde par exemple, les consultations médicales en ligne via une entreprise de télésanté ont été multipliées par dix entre avril et novembre 2020. Du côté de Doctolib, le nombre de consultations vidéo a été multiplié par 100 entre le 5 et le 30 mars 2020, et le nombre de professionnels présents sur la plateforme est passé de 3 500 avant mars 2020 à plus de 30 000 en avril 2020.
Ces pratiques virtuelles devraient diminuer avec la réouverture des économies, mais pourraient se poursuivre néanmoins avec un taux d’usage nettement supérieur aux niveaux observés avant la pandémie.
L’intelligence artificielle (IA) et l’automatisation vont modifier les besoins de compétences
Pour parer aux conséquences de la crise, les entreprises ont dû trouver des solutions pour réduire les coûts, notamment en adoptant l’automatisation des tâches et en repensant les processus de travail, ce qui a eu pour conséquence de réduire la part des emplois consacrés aux tâches de routine.
Cette tendance devrait s’accentuer puisque deux tiers des dirigeants interrogés par Mc Kinsey ont déclaré vouloir intensifier leurs investissements dans l’automatisation et l’IA dans les années à venir.
De nombreuses entreprises, au niveau mondial, ont déployé l’automatisation et l’IA dans des entrepôts, des centres d’appels et des usines pour réduire la densité du lieu de travail et faire face aux fortes demandes.
L’automatisation de certaines tâches répétitives et sans grande valeur ajoutée va contraindre les personnes occupant des postes à basse qualification à monter en compétences pour se maintenir dans l’emploi. Un chiffre :
25 % des emplois en France (soit 6,4 millions) pourraient être automatisés d’ici à 2030.
Les impacts de la pandémie sur l’évolution des métiers et des compétences
Les emplois nécessitant une proximité physique seront les plus impactés
La crise sanitaire a révélé l’importance de la dimension physique du travail. L’étude McKinsey prévoit qu’à l’avenir, les métiers qui vont être les plus bouleversés seront ceux qui induisent une grande proximité physique comme les métiers liés à l’hôtellerie, la vente ou la restauration, entraînant par ricochet d’autres domaines de travail à plus long terme.
- Une partie de la relation commerciale (interactions avec des clients dans les magasins, les banques et les bureaux de poste…) a déjà migré vers le commerce électronique et d’autres transactions en ligne, et cette tendance devrait perdurer.
- Le secteur des loisirs et des voyages (contact avec la clientèle dans les hôtels, les restaurants, les aéroports et les lieux de divertissement…) a subi de fortes perturbations obligeant les professionnels à suspendre ou limiter leur activité, voire fermer les établissements. À plus long terme, le passage au télétravail, la diminution des voyages d’affaires et l’automatisation de certaines professions pourraient réduire la demande de main-d’œuvre dans ce domaine.
- Le travail de bureau (dans les entreprises, les hôpitaux, les tribunaux, les usines…) ne nécessite qu’une proximité physique modérée avec les tiers. Ce domaine représente environ un tiers des emplois dans les économies avancées. La quasi-totalité du travail à distance potentiel se situe dans ce domaine.
Les emplois les moins qualifiés devraient se raréfier
L’arrivée de nouvelles technologies devrait avoir pour conséquence d’automatiser au moins 30 % des activités de la plupart des métiers, notamment ceux du secteur administratif, de la production et du service client qui pourraient nettement diminuer dans les prochaines années.
L’impact de ce virage technologique se fera ressentir en particulier sur les professions nécessitant le moins de qualifications. Avant la pandémie, un travailleur perdant ou quittant un emploi sans qualification pouvait trouver une activité à rémunération équivalente, dans le même secteur ou dans un autre. L’étude McKinsey nous montre qu’après la pandémie, près de la moitié des collaborateurs qui quitteront un poste sans qualification ne retrouveront pas de poste équivalent et seront obligés de monter en compétences pour trouver un nouvel emploi.
Les profils plus qualifiés seront très recherchés
En raison de l’impact de la pandémie sur les emplois peu qualifiés, le cabinet McKinsey estime que la quasi-totalité de la demande de main-d’œuvre se produira dans les emplois à haut niveau de qualification tels que l’éducation, les technologies de l’information et de la communication, la santé et le social. Ainsi, les professions « STEM » (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), commerciales, juridiques et médicales devraient croître de plus de 20 % dans les dix prochaines années, ce qui permettrait de créer environ 4 millions d’emplois.
Le recrutement dans les secteurs des soins de santé et des STEM pourrait augmenter davantage qu’avant la pandémie en raison de l’attention accrue portée à la santé à mesure que les populations vieillissent et que les revenus augmentent, ainsi que du besoin croissant de compétences liées aux nouvelles technologies. Par exemple en France, toutes les professions autour du secteur de la santé devraient connaître une forte croissance de la demande de main-d’œuvre d’ici 2030.
Dans un panel de huit pays étudiés par le cabinet McKinsey, plus de 100 millions de travailleurs (environ 6 %) devront changer de profession d’ici 2030. C’est 12 % de plus que ce que les estimations d’avant la pandémie, et même jusqu’à 25 % de plus dans les économies avancées.
Un risque de pénurie de compétence dans certains domaines
Aujourd’hui, les Européens ayant fait des études supérieures représentent 40 % de la population européenne. Au regard des évolutions à venir, c’est insuffisant car 60 % des emplois en croissance nécessiteraient de tels profils. Dans les dix prochaines années, il sera donc plus difficile pour les entreprises de trouver les compétences dont elles ont besoin, notamment dans le secteur informatique et dans la santé. Les salariés seront amenés à changer de métier plus souvent.
La plupart des emplois qui seront pourvus d’ici 2030 exigeront un niveau de compétences plus élevé qu’aujourd’hui. Ainsi, 21 millions de travailleurs européens devront changer de profession d’ici 2030, et plus de 90 millions devront acquérir de nouvelles compétences dans le cadre de leur fonction actuelle.
Deux catégories de compétences seront particulièrement demandées :
- les compétences socio-émotionnelles, comme l’enseignement ou l’empathie,
- les compétences technologiques, comme la programmation ou la R&D.
Le rôle crucial des entreprises pour accompagner l’évolution des compétences
L’étude McKinsey met en lumière le rôle crucial des entreprises et des gouvernants pour accompagner les salariés dans leurs changements de métiers et l’évolution des compétences.
Attirer et développer les bonnes compétences
Pour remédier à la pénurie de main d’œuvre qualifiée, les entreprises doivent plus que jamais développer les compétences de leurs salariés. Pour cela, il leur faudra adapter leurs programmes de formation et placer la formation continue au cœur de leur culture d’entreprise.
Les entreprises devront également évaluer les compétences de leurs collaborateurs afin d’identifier ceux qui doivent se former, faire monter en compétences, voire même se reconvertir comme l’ont fait Amazon, Walmart et IBM qui ont été pionniers du « upskilling ».
De surcroît, il sera nécessaire d’investir davantage dans le recrutement pour identifier et attirer les talents et « perles rares ».
Les entreprises et les décideurs politiques pourraient à l’avenir collaborer pour soutenir les travailleurs qui migrent d’une profession à l’autre. Dans le cadre du Pacte sur les compétences mis en place dans l’Union Européenne pendant la pandémie, les entreprises et les pouvoirs publics ont consacré 7 milliards d’euros à l’amélioration des compétences d’environ 700 000 salariés du secteur automobile.
Anticiper et améliorer l’accès à l’emploi
Les projections de développement des emplois dans les grandes mégapoles en 2030 prévoient que moins de 60 % des emplois pourront être occupés par les habitants actuels. Pour combler ce besoin de main d’œuvre, plusieurs millions de travailleurs devront venir s’installer dans les grandes villes, ce qui nécessitera d’investir dans les infrastructures de transports, et de créer davantage de logements abordables dans les zones urbaines.
Les décideurs politiques devront également soutenir des programmes de formation et d’éducation pour accompagner ces nouveaux actifs.
Investir dans les infrastructures numériques
Les décideurs politiques pourraient soutenir les entreprises en développant et en améliorant les infrastructures numériques. Même dans les économies avancées, près de 20 % des foyers ruraux n’ont pas accès à l’internet.
A l’horizon 2030, le marché du travail devrait être bien différent que celui que nous connaissons aujourd’hui. De nombreux postes et métiers n’existeront plus, de nouveaux apparaîtront…
Ce qui est certain, c’est qu’il nous faudra sans cesse acquérir de nouvelles compétences pour s’adapter aux évolutions de plus en plus rapides, voire même se reconvertir totalement.
Il est d’ores et déjà primordial de s’assurer que les actifs soient formés, par les entreprises et les pouvoirs publics, aux compétences réellement recherchées sur le marché du travail, que ce soit en formation initiale ou formation continue.