Le rôle du Chief Digital Officer est d’être un facilitateur de l’innovation : le CDO doit emmener l’entreprise à repenser ses modes de travail et d’organisation, développer les compétences de ses collaborateurs pour qu’elle puisse réussir sa transformation. Concrètement, ça veut dire quoi ? Valérie Dagand, Chief Digital Officer chez Vinci Autoroutes, nous parle de sa mission au sein de l’entreprise et nous livre ses conseils.
Quelles sont vos missions en tant que Chief Digital Officer chez Vinci Autoroutes ?
C’est d’abord, et surtout, la mise en place d’outils et de services digitaux à destination de nos clients finaux, les usagers des autoroutes que nous exploitons. Il est important que nous allions au-delà de notre mission de gestionnaire d’infrastructure et commencions à parler à nos clients grâce aux nouveaux medias numériques.
Le digital nous amène à nous poser de véritables questions : comment s’adresser à nos clients finaux, quels sont les besoins ou points de friction à adresser, comment améliorer l’expérience sur nos autoroutes ?
Pour réussir à s’adapter aux nouveaux usages de nos clients, il faut apporter de nouveaux outils digitaux et pour cela emmener en parallèle toute l’entreprise.
C’était au départ la volonté de la direction en vous recrutant ?
Oui, avec le volet de la data, qui était très fort lorsque j’ai été recrutée. Pour créer une vraie relation client digitale, il faut que l’on s’appuie sur la connaissance de nos clients.
Nous connaissons nos abonnés Télépéage. Nous avons aujourd’hui besoin d’aller au-delà et de lever l’anonymat de nos 2 millions de clients quotidien afin de leur proposer une meilleure expérience. C’est la raison pour laquelle nous avons positionné la data au cœur de notre stratégie de connaissance client.
Quelles sont les actions que vous menez pour mobiliser l’entreprise dans cette nouvelle culture de la relation client ?
Pour mener à bien cette mission notamment sur la partie e-commerce et data, j’ai mobilisé une équipe en recrutant des experts dans les domaines du digital. Mais on ne travaille pas en silo : il est indispensable que l’on s’adresse à l’ensemble des métiers de l’entreprise. C’est pourquoi, pour chaque projet, nous avons mis en place des binômes de travail composés à la fois d’un expert du digital (SEO, acquisition, data) et d’un expert métier. On crée alors une vraie complémentarité et la personne métier s’enrichit plus rapidement du point de vue des compétences digitales.
L’entreprise a également initié une stratégie de remontée d’idées du terrain grâce à des cellules d’idéation. On développe ainsi la créativité des collaborateurs par des nouvelles méthodes de brainstorming. L’objectif de ces cellules d’idéation est de solliciter et de travailler dans les régions avec les fonctions d’exploitation et de support sur de nouvelles méthodes de travail, pour les faire penser autrement, et générer de nouvelles idées.
Pouvez-vous me donner un exemple de projet qui a suscité un vrai engagement chez vos collaborateurs ?
Les comptes Twitter pour l’info trafic sont une vraie belle réussite !
Les collaborateurs en poste dans les PC trafic qui surveillent l’autoroute ont été formés pour gérer des comptes Twitter dédiés à l’info trafic. Ces comptes permettent de rendre un véritable service à nos clients en leur fournissant une information en temps réel. Le projet a été bien adopté par les équipes.
Quels sont les retours de vos collaborateurs sur les nouvelles pratiques que vous mettez en place ? Rencontrez-vous des réticences ?
Le digital peut entraîner la peur d’être dépassé rapidement. C’est la raison pour laquelle nous avons, avec l’équipe digitale, développé beaucoup de pédagogie, afin de nous positionner comme des facilitateurs et présenter le digital comme un plus pour leur métier et leur domaine d’expertise.
Avez vous, justement, des conseils à donner pour réussir à engager les collaborateur?
Le meilleur conseil que je peux donner, c’est celui de la posture. Celle-ci doit être la plus rassurante possible, surtout pas arrogante. Avec mon équipe, nous nous positionnons comme des coach qui sont là pour apporter du plus et de nouvelles compétences aux métiers traditionnels. Il faut pour cela beaucoup d’empathie, s’intéresser à l’histoire de chaque collaborateur et surtout, se mettre à leur place en essayant de comprendre les peurs que la “transformation digitale” peut leur évoquer.
Lorsque l’on a bien compris cela, on peut alors trouver les bons angles d’attaque pour pouvoir les rassurer. Nous misons aussi sur les résultats pour rassurer les collaborateurs.
Prouver des résultats, c’est une façon de montrer concrètement à vos collaborateurs ce que le digital apporte dans leur métier.
Oui, par exemple en ce moment on travaille sur la mise en place de nouveaux dispositifs d’acquisition pour vendre des abonnements Télépéage. Nous avons de très bons résultats de conversion, du coup les équipes ont vraiment envie de participer à nos projets.
Il faut mener des petits projets pour avoir des résultats rapides. Surtout, ne pas vouloir viser la lune, mais privilégier les réussites en commun. Commencer petit et ainsi multiplier le nombre de réussites. Il faut que les projets soient porteurs de sens. C’est très important d’avancer de façon itérative avec les métiers, car à chaque fois nous gagnons en crédibilité et en légitimité.
Quelles sont selon vous les compétences clés d’un Chief Digital Officer ?
II faut avoir une vraie compétence pointue sur le digital pour savoir exactement et très rapidement fixer un cap et une road map digitale, en tenant compte de son niveau de maturité des projets
Il faut aussi savoir transcrire des enjeux stratégiques en projets digitaux, et avoir en même temps une vraie capacité à conduire le changement dans les équipes. Il faut penser au delà du ROI : c’est important de développer la culture de la performance dans l’entreprise, mais c’est encore plus important de faire monter en compétence les collaborateurs, d’avoir franchi un cap de maturité. Il faut à la fois savoir mener les projets, et avoir une vraie capacité managériale à conduire le changement.