La révolution digitale implique une évolution des business models et de chaque fonction dans l’entreprise. Le véritable enjeu des entreprises aujourd’hui est d’accompagner l’évolution des compétences et en particulier des compétences digitales des collaborateurs. Or, on confond trop souvent formation au digital et les modalités digitales de formation.
Jean Baptiste Gouin, fondateur et président de TalenCo nous éclaire sur les dernières tendances de l’apprentissage à l’heure du digital.
A l’heure du Digital, la formation en présentiel est-elle encore utile ?
JB.Gouin : En cette période de mutation profonde, les collaborateurs ont plus que jamais besoin d’un accompagnement fort. Le Digital nécessite d’acquérir de nouvelles postures, de nouvelles techniques métiers et, sans doute le plus difficile, d’abandonner d’anciennes pratiques. Ces bouleversements sont trop impactants pour laisser les collaborateurs seuls face à ce challenge. Il est primordial de les accompagner. Pour cela, les formations présentielles en grands groupes, comme le séminaire management ou les Digital Days, permettent dans un premier temps de donner une impulsion commune forte et de créer une dynamique collective.
Dans un second temps, les formations « classiques » en présentiel, avec des groupes d’une dizaine de personnes, restent le meilleur moyen pour que chacun puisse se professionnaliser individuellement dans son métier.
Les accompagnements individuels sont aussi, bien sûr, très utiles. Le reverse mentoring est même perçu comme une modalité particulièrement innovante et efficace.
Quelles sont les meilleures modalités d’apprentissage pour développer ses compétences digitales ?
On apprend toujours seul mais jamais sans les autres. Le meilleur apprentissage est celui qui permet des interactions entre les apprenants : présentiel, classe virtuelle, social learning. Pour développer ses compétences digitales, les leviers d’apprentissage ne sont pas fondamentalement différents de ceux d’autres sujets. En revanche, le sujet du digital impose d’être innovant dans le mode d’animation (sondages en direct, démonstrations d’objets connectés…) ou d’enrichir ses dispositifs de modalités digitales. Les MOOC* ou SPOC* sont aussi un canal intéressant dans un objectif de sensibilisation.
La formation en présentiel facilite l’accompagnement individuel, la mise en pratique et apporte une réponse immédiate aux questions qui peuvent se poser au cours de la formation. Cette modalité de formation en petits groupes permet aux participants d’être plus impliqués, stimulés et rassurés dans leur processus d’apprentissage. Elle permet également de faciliter les échanges et les interactions, d’enrichir ses propres expériences et bonnes pratiques en les confrontant à celle de ses homologues. Enfin, la formation en présentiel est une formidable opportunité de créer une communauté apprenante qui pourra ensuite continuer d’interagir sur des plateformes digitales.
La communauté est donc une source d’apprentissage ?
Oui. Ce qui caractérise une communauté, c’est principalement de partager un intérêt commun, une même vision et de créer un lien émotionnel entre les participants. Ceci est plus facile à impulser lors d’événements en présentiel qu’à travers des modalités 100 % à distance. Ainsi, les liens créés pourront perdurer et faciliter l’apprentissage dans la durée pour partager sur les mises en pratiques, les retours d’expériences, se donner des conseils et s’entraider sur une plateforme de type RSE (Réseau Social d’Entreprise).
Chez TalenCo, nous avons mis en place ces démarches de communautés apprenantes constituées essentiellement sur les plateformes de nos clients.
Que penser du Digital Learning dans les modalités de formation ?
Se former au Digital ne veut pas dire se former uniquement par le Digital. Il est primordial d’être clair sur ses objectifs et s’assurer que les modalités pédagogiques utilisées soient pleinement efficaces et appropriées. Le Digital Learning est notamment plus efficace sur des objectifs de communication et de pré-sensibilisation.
Il faut rester vigilant sur le support que l’on choisit. Les MOOC ou SPOC*, par exemple, peuvent être un bon moyen de se professionnaliser à distance, mais tout le monde n’est pas à l’aise avec ce mode d’apprentissage. La preuve, c’est que le taux d’achèvement des MOOC n’est que de 10 %. Il est donc préférable de laisser le choix au collaborateur du canal de formation qui lui convient le mieux.
On se dirige donc vers une personnalisation du dispositif de formation ?
La tendance n’est pas de faire du Blended Learning à tout prix. Il faut responsabiliser le collaborateur dans son apprentissage et lui laisser le choix des modalités qui lui semblent le plus appropriées. En cela, les attentes des apprenants sont les mêmes que ses exigences en tant que consommateur : ils souhaitent être autonomes. Le nouvel apprenant vit de plus en plus mal les parcours imposés. Il a aussi besoin d’immédiateté. Comment une entreprise peut-elle encore proposer une solution de développement de compétences 18 mois après l’expression d’un besoin ? Améliorer le « time to competency » est un enjeu majeur des équipes de Talent Development. Le collaborateur, quant à lui, doit se responsabiliser dans le développement de ses compétences.
Nous entrons donc dans l’ère de la personnalisation et du multicanal de l’apprentissage ! C’est tout cela qui va constituer la nouvelle « learner experience ».
*MOOC Massive Online Open Course : ce sont des cours en ligne ouverts à tous, une formation en libre accès sur internet. Un MOOC est un cours qui dure en général plusieurs semaines. Il met à disposition un contenu pédagogique (cours, vidéos, quiz) et se clôture par l’obtention d’un certificat.
– SPOC Small private online course : un cours en ligne en cercle restreint avec un nombre d’accès volontairement limité. Le SPOC est vraiment une formation privée, il s’apparente plutôt aux formations e-learning déjà existantes depuis plusieurs années sur internet.