A l’heure où nous nous demandons ce que sera le Monde d’Après, il est une chose qui changera d’échelle, c’est le TEMPS.
Nous avons connu ces dernières semaines un temps de crise. Un temps de l’urgence qui avait pour objectif de mettre à l’abri nos salariés et aussi de nous organiser pour assurer une continuité de service. Un temps court qui a poussé tous les dirigeants dans une action permanente pour prendre les premières décisions qui s’imposaient.
Unité de temps, unité de lieu
Ces activités inhabituelles, comparées au « run » du quotidien, couplées à l’usage massif d’outils de communication à distance, nous intègrent dans une relation au temps bien différente. Les activités s’enchaînent dans une même unité de lieu.
Les bonnes, les mauvaises nouvelles sont plus difficiles à partager avec ses premiers cercles même si de nouveaux rituels, à distance, sont mis en place avec les CoDirs et aussi en direct avec l’ensemble des collaborateurs.
Ces nouvelles s’intègrent très directement dans nos émotions et sont plus difficiles à relativiser ou à mettre en perspective.
Dans un contexte sous contrainte, dans lequel les loisirs et sources de ressourcement ne sont pas tous disponibles, les nerfs sont soumis à rude épreuve.
Le temps à prendre, le temps d’apprendre
Le plus difficile sera sans doute dans les semaines à venir : les premières actions ont été engagées et mises en œuvre… mais chacun attend la sortie ! Passer d’un état de suractivité, qui caractérise le plus souvent les dirigeants, à un état d’attente dans l’incertitude s’annonce assez difficilement supportable.
Bien sûr, il n’est pas question de subir cette attente : ce temps devient alors une opportunité pour un temps d’introspection en profondeur de l’entreprise.
« Cette quarantaine managériale est à coup sûr une formidable opportunité pour préparer nos entreprises à demain »
Nos agilistes appellent cela « faire une Rétro ». Qu’est-ce qui a bien marché ces dernières années ? Notre raison d’être (le fameux WHY de Simon Sinek) est-elle suffisamment claire et engageante pour la sortie de crise ? La façon dont nous voulons faire vivre cette raison d’être est-elle bien définie ? Quels sont nos principaux enjeux pour demain ? Notre organisation est-elle bien adaptée à ces nouveaux enjeux ? Ai-je bien les bonnes compétences aux bons postes ?
Cette quarantaine managériale, dans un confinement à l’issue difficile à entrevoir, est à coup sûr une formidable opportunité pour préparer nos entreprises à demain. Un élan essentiel à prendre pour mieux sauter.
Un temps qui s’accélère
Quand viendra le temps de l’exécution des nouvelles stratégies, cette échelle de temps va encore se raccourcir. C’était déjà le cas avant la crise. La plupart des dirigeants faisaient le même constat : « là où nous avions 2 ans pour mettre en œuvre, nous n’avons plus que 6 mois » !
« L’agilité au sens de l’organisation, des pratiques et des valeurs va devenir inéluctable »
Comment faire quand nos ressources (humaines le plus souvent) sont déjà engagées et quand celles-ci ne sont pas extensibles ? D’autant plus dans un cadre budgétaire qui va se contraindre très sérieusement…
L’agilité au sens de l’organisation, des pratiques et des valeurs va devenir inéluctable !
Nous pouvons également nous interroger sur l’ensemble des processus annuels sur lesquels reposent nos organisations : les budgets annuels, les entretiens annuels de performance, les balanced scorecards… Un certain nombre de ces process ne survivront pas à l’après-crise. Et c’est peut-être une bonne chose.
Quand dans nos plus grands groupes, les managers passent 3 mois à définir puis défendre leur budget annuel, souvent au détriment des autres… Quand notre délai de mise en œuvre fait qu’à la réalisation, c’est déjà une autre solution qu’il aurait fallu implémenter… On peut légitimement se poser la question de ces rituels annuels.
Tant pis… ou tant mieux
L’approche du Beyond Budgeting (pas de budget annuel mais un budget débloqué au fil de l’eau en fonction des priorités) expérimentée par de plus en plus d’entreprises semble apporter une réponse efficace.
L’entretien annuel a aussi du souci à se faire. Au regard de récentes études, celui-ci est bien un processus qui génère une activité à la fonction RH mais peu efficace d’un point de vue de l’expérience collaborateurs.
Cette crise pourrait donc bien siffler la fin du pilotage traditionnel annuel de nos entreprises, c’est-à-dire la fin du Management par Objectif !
Il faut rappeler que le MBO (Management by Objectives) prophétisé par Peter Drucker date des années 1950. Particulièrement adapté à la période post seconde guerre mondiale et l’industrialisation intensive, ce système est devenu obsolète à l’ère du digital.
Dans le temps technologique beaucoup plus marqué qui s’annonce, le nouveau modèle n’est pas réinventé car de nombreuses entreprises, en particulier outre-Atlantique, l’ont déjà mis en œuvre. En revanche, c’est la façon dont chaque entreprise peut l’implémenter qui nécessite une réponse individualisée.