Chaque début d’année, le NRF Retail’s Big Show de New-York est attendu par les retailers du monde entier pour cerner les tendances des mois et années à venir.
Loin de faire exception, le NRF 2021 était d’autant plus scruté que la crise de la Covid-19 a durement impacté le secteur du retail et laisse présager des adaptations majeures et durables pour les enseignes.
Alors qu’en est-il vraiment ? Cette édition 100% digitale a-t-elle été à la hauteur de nos attentes ? Quelles tendances pouvons-nous en dégager ?
Deux semaines durant, nous avons procédé à une sélection des conférences qui nous ont le plus inspirés, pour vous en livrer – chaque jour – un débrief à chaud et en live, sur Twitter et YouTube.
En voici la synthèse, préparée par Raphaël Kattan (DG & Associé) et Cyrille Chaudoit (Co-fondateur), en 5 points clés précédés de quelques éléments de contexte.
Un NRF 2021 à l’image du retail : amoindri par la crise
Dans sa version distancielle, l’envergure de l’évènement a été divisée par deux en 2021 : 300 exposants, 130 conférences et aucun chiffre concernant le nombre de participants… Autre entrave évidente : l’absence de retail tours pour juger in situ des tendances au cœur de la grosse pomme.
Toutefois, quelques habitué.e.s de la grand-messe ont comme chaque année porté la bonne parole d’un secteur certes meurtri mais « curieusement » OPTIMISTE.
La reprise est pour… demain
En effet, l’optimisme était de rigueur chez la plupart des patrons du retail mondial.
Au-delà de quelques réalités devenus poncifs (l’importance de l’engagement des équipes, la réinvention du commerce, l’accélération de la transformation digitale…), le mantra 2021 tourne autour de l’espoir d’un retour à la normale plus rapide que prévu.
Indra Nooyi (ex- présidente de Pepsico), membre du conseil d’administration d’Amazon, nous garantit que la « vie normale » reviendra plus vite qu’on ne le pense (cf notre debrief vidéo n°2).
Les sources d’optimisme qui reviennent le plus dans les discours :
- Le changement de présidence aux USA, annonciateur de la fin du protectionnisme
- Le recovery package destiné à soutenir la consommation et aider les plus défavorisés
- Les vaccins contre le coronavirus
- La reprise économique qui est « annoncée » aux USA dès le second semestre 2021…
Enfin, les américains misent plutôt sur une balance positive entre créations et destructions d’emplois dans le retail dans les années à venir, surtout grâce à de nouveaux métiers : deliveries, store pickers, etc.
Alors, méthode Coué, bluff marketing ou véritable confiance, difficile de trancher. Mais une chose est sûre, les grandes enseignes mondiales se sont mises en ordre de bataille pour affronter un avenir VUCA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu – en français).
Voici en 5 points clés les grandes tendances dans le retail en 2021 !
1. PIVOT : « fish where the fish are »
Un retour à la normale tout en nuances, toutefois. L’offre, l’expérience client, les méthodes de travail… tout doit pivoter !
Kelly Mahoney, VP Customer Marketing de Ulta Beauty :
« What got you here. Won’t get you there. »
Les retailers sont condamnés à innover pour ne pas tout baser sur l’expérience passée.
Car cette plaie de distanciation sociale mettra du temps à cicatriser. Et en attendant, les usages auront changé.
Marc Metrick, CEO de Saks Fifth Avenue, parle quant à lui de « next normal » vs. « new normal » parce que le monde d’après changera encore plus vite qu’on ne le pense, et il encourage ses équipes à garder cette constante agilité, résilience et capacité de réinvention.
Selon Metrick, pour vendre des vêtements de luxe, il faudra éternellement des stylistes, un produit exceptionnel et des clients. Mais pour le reste, tout changera en permanence notamment les interactions clients : « should it be text, tchat, call, zoom, post-card, nothing at all…” (cf notre debrief vidéo n°5).
De là, un thème récurrent au NRF dont on parle moins en France : le loyalty shock !
La crise a déjà poussé beaucoup de consommateurs à faire évoluer leurs habitudes d’achats : découverte de nouvelles enseignes en click & collect ou proposant la livraison gratuite ; des ruptures dans la supply chain qui ont poussé les consommateurs à tester de nouvelles marques ; etc.
75% des consommateurs US déclarent avoir testé de nouvelles enseignes et de nouvelles marques pendant la crise. Cela augure de belles batailles pour fidéliser ces nouveaux clients pour certaines marques et pour récupérer les clients perdus pour d’autres !
2. DELIVERY : « si tu ne viens pas à Lagardère…»
Ainsi, la livraison (et donc la logistique) devient la clé de toute stratégie retail.
Ce qui fut le point de départ d’Amazon et le point de bascule du secteur, devient désormais le principal point de souffrance des enseignes qui ne pourront rivaliser sur les délais de livraison ni les services associés.
Janey Whiteside, Chief Customer Officer de Walmart International :
« 5 years acceleration in pick-up delivery, in 5 weeks for Walmart »
Et de préciser son ambition pour le futur : faire de chaque magasin un entrepôt facilitant la livraison locale (cf notre débrief vidéo n°1).
D’ailleurs, les priorités d’investissements prévues par les acteurs de la retail tech et les retailers eux-mêmes sont éloquentes :
- les technologies d’inventaire plus rapides et plus précises puisque les magasins deviennent aussi des fulfillment centers ;
- Les technologies de supply chain qui rapprochent la fabrication et le client en termes de tiling ;
- Les outils liés à la data en temps réel dans le magasin pour une meilleure prise de décision ;
- Les technologies pour simplifier la vie du vendeur afin qu’il passe plus de temps avec le client ;
- L’équipement digital et collaboratif du magasin de façon à pouvoir communiquer avec lui et former les équipes à distance.
3. TECH IS BACK : again
Même si le NRF n’est pas le CES, il le suit de près chaque année dans le calendrier, et fait régulièrement la part belle aux innovations technologiques propices au retail. En 2020, la tech mania s’était un peu calmée, les pros du secteur revenant un peu de la « hype » entretenue autour du virtuel, du sans contact…
Et pour cause. Comme l’analyse Raphaël dans notre debrief vidéo n°3, les nombreux POC (Proof Of Concept) ont eu raison de la patience et des budgets de nombreuses entreprises à cause de résultats trop souvent décevants et d’une frénésie autour de l’outil, là où le mindset ne suivait pas.
Ce travail de transformation du mindset et des modes de travail a été entrepris depuis quelques années maintenant chez les plus grands retailers. C’est un travail jamais totalement terminé, mais la crise a accéléré le passage à l’échelle d’une attitude plus agile, plus growth mindset.
Si bien que, aujourd’hui et dans bien des cas, ce n’est plus le manque de culture d’innovation qui freine la transformation des entreprises, mais le retard d’investissement dans les bons outils.
Rajeev Aikkara, VP Digital Technology de Burberry :
« Maintenant qu’on a l’esprit agile, on a besoin de plus d’outils. »
Rappelons juste que le flagship londonien de la marque avait déjà fait le buzz en 2012 pour avoir à l’époque « effacé les frontières entre monde physique et monde digital » comme l’écrivait alors la Harvard Business Review…
Euromonitor International a présenté les résultats de son étude mesurant les attentes des consommateurs connectés à travers le monde. Quelques insights méritent notre attention :
- Les consommateurs attendent plus de possibilités et d’innovation concernant le paiement sans contact ;
- Ils sont en demande de progrès sur le suivi des commandes et des livraisons de leurs achats en ligne ;
- Ils expriment peu d’attentes sur la Réalité Augmentée (AR) et la Réalité Virtuelle (VR) ;
- Près de 50 % se disent ouverts à la livraison par drones ou robots (77 % en Chine !) ;
- Last but not least… 20 % sont prêts à partager leur ADN en échange de recommandations personnalisées ! 😲
4. RSE : des paroles, et des actes ?
Jennifer Keesson, Sustainability Manager de IKEA Retail US :
« Over-consumption is a challenge that IKEA has identified! (…) We tell our customers: perhaps you don’t need a new product, the item you have at home you can fix it that way or use it another way round. »
Même si des actions concrètes sont mises en place progressivement (comme le rachat et la revente de meubles d’occasion, etc.), à aucun moment ces marques, témoignant de leur engagement la main sur le cœur, n’expriment concrètement l’impact de leurs (nouvelles) convictions dans leur équation économique.
Nous ne pouvons donc pour le moment nous en remettre qu’aux engagements (70% d’économie circulaire en 2030, des test & learn depuis 2018, un premier concept store de cuisines en leasing pour IKEA UK, etc.) et aux success stories de marques pionnières en la matière comme Patagonia, pour « valider » le modèle.
Un « pivot » sûrement compliqué à déployer pour des entreprises aussi massives qu’IKEA mais, probablement aussi, plus simple à décider et à opérer pour elles que pour de petites enseignes plus locales.
Pour preuve, la machine Looop que H&M teste dans son magasin de Stockholm depuis quelques semaines pour recycler les vêtements de ses clients, dont Abigail Kammerzell, Sustainability Manager de H&M US nous a parlé avec des étoiles dans les yeux !
Le processus, qui dure plusieurs heures, s’effectue en 4 étapes sans eau ni produits chimiques :
- Le vêtement est lavé puis déchiqueté en fibres
- Les fibres sont ensuite filtrées et cardées pour obtenir un fil
- De nouvelles fibres d’origine naturelle sont ajoutées au fil pour le renforcer
- Le tricotage du nouvel article est la dernière étape du processus de création
Une avancée technologique certaine, mais dont on imagine mal le déploiement à l’échelle du réseau H&M et encore moins accessible à d’autres enseignes plus modestes. Ce qui en limite de facto la portée et pose la question de son impact réel face aux 10 000 à 20 000 tonnes de vêtements qui partent en fumée chaque année rien qu’en France (source Ministère de la transition écologique)… des chiffres colossaux qui traduisent, s’il en était encore besoin, le gâchis environnemental lié au secteur.
Un signal faible intéressant en matière de responsabilité sociétale, d’éthique même pourrait-on dire : le futur de la data selon Starbucks.
Rajesh Naidu, VP Architecture, Data & Analytics Technology de Starbucks :
« Give the data back to the community »
Rajesh nous explique que toute la donnée collectée par Starbucks au service de son business model sera aussi désormais à disposition de « la communauté et des commerces locaux » pour aider à mieux comprendre les flux, le type de population et la segmentation client dans une même zone de chalandise.
Evidemment, les cas d’usage sont encore assez vagues, mais l’initiative mérite d’être signalée et suivie. Ce que nous ferons pour vous !
5. COMPETENCES ET MODES DE TRAVAIL : le nerf de la « guerre »
Dernière « arme » – et non des moindres – à disposition des géants mondiaux du retail : l’humain !
Judith Mc Kenna, CEO de Walmart International :
« Crisis are like wars, they put the future in fast-forward (…) 2020 was the greatest leadership lesson. For a lot of things we are wondering why we haven’t done it before! »
Plus d’interactions au service du client
Comme nous l’avons vu tout au long de ce bilan, les enseignes se sont déjà considérablement adaptées ces dernières années et ont accéléré le mouvement par instinct de survie ces derniers mois de pandémie. Le point d’achoppement de tout cela est bien évidemment l’évolution brutale des usages et des attentes du client.
Les américains ayant le sens de la formule, ils désignent cette tendance comme le « NOW customer » ! Ce client Impatient que nous décrivons depuis quelques années chez TalenCo (le « I » de notre client BIOPAU).
Les enseignes ont beaucoup à perdre à ne pas s’occuper de ce client !
Ce client fait son shopping le soir, tard, dans son canapé et a besoin qu’on réponde vite à une question juste avant de conclure son achat. Mais à cette heure-là, qui est encore présent pour live-chater avec lui ?…
Ce client souhaite une réponse à son e-mail dans les 15 minutes. Ce client qui, finalement, n’apparaît jamais dans les études de satisfaction, dans le fameux NPS (Net Promoter Score), parce qu’il nous a quittés, faute d’avoir pu lui fournir immédiatement un moyen d’interaction en ligne.
Aux USA, on estime à 75 milliards de $ les ventes ratées parce qu’on n’a pas su interagir assez vite avec ces clients. Et 51 % des clients déçus par ce manque d’interactions rapides déclarent qu’ils ne feront plus jamais appel à la marque ou à l’enseigne en question.
Le véritable enjeu est de considérer tous ses services non plus comme des coûts, mais comme des investissements.
Toutes ces nouvelles interactions impactent fortement le besoin de nouvelles compétences des vendeurs et conseillers.
De nouvelles compétences pour transformer l’organisation
On voit bien que, face à la pandémie, les enseignes ont réussi à être ultra agiles pour mettre en place de nouveaux services en quelques jours. L’enjeu sera donc, ces prochains mois, de solidifier ces nouvelles fondations pour être encore plus robuste dans l’éventualité de prochaines crises.
Les RH vont jouer un rôle primordial pour pérenniser tous ces modes de fonctionnement – qui ont démontré leur efficacité – et la bonne culture managériale qui va avec. Il s’agit de savoir former les équipes à la même vitesse (cf notre debrief vidéo n°6).
Cela passe par des formations à distance en classes virtuelles et des outils de e-learning pour les vendeurs. Cela questionne l’équipement du vendeur (tablette ou mobile ne sont plus négociables) mais surtout la capacité des équipes formation à déployer des contenus overnight.
Sur ce plan, ne tombons pas dans le piège du tout techno ! En matière de bien-être au travail, le retail a évidemment été fortement impacté par la crise, avec des collaborateurs en points de vente qui vivent encore l’angoisse, d’un côté de la contamination, et de l’autre de perdre leur emploi. Quant aux équipes au siège, elles sont en surchauffe depuis le premier confinement.
Il s’agit donc d’aider ces managers à savoir écouter, garder le lien et la cohésion des équipes, maintenir l’énergie dans le temps, et savoir recentrer sur les bonnes priorités d’actions. C’est en tout cas ainsi que ce sujet est traité en France, et tant mieux (voir à ce propos nos formations à distance au management agile).
Le déploiement de la stratégie d’entreprise en question
Il conviendra aussi de revoir la manière dont sont pilotées les stratégies d’entreprises. L’enjeu est de taille : passer plus rapidement de la vision à l’exécution.
Le pilotage par la méthode OKR (Objectives & Key Results) dont on sent l’engouement croissant en Europe, et particulièrement en France, peut apporter cette réponse tant la méthode est puissante en termes d’alignement, de responsabilisation, d’autonomie et de pilotage des équipes.
Et comme c’est le cas depuis quelques années déjà chez TalenCo, nous continuerons en 2021 d’accélérer la transformation des entreprises qui nous ont déjà choisis pour leur stratégie OKR !
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