Olivier Sibony, professeur de stratégie à HEC, alerte : l’actuelle crise sanitaire engendre, certes, une crise économique à laquelle chacun doit se préparer, mais qui provoquera à son tour une nouvelle onde de choc sanitaire… A lire dans le HuffPost.
De Charybde en Scylla, nous devons être prêts à gérer les écueils « en cascade » plutôt que de penser pouvoir les prévoir.
« Nous sommes les dupes de ceux qui nous aident à naviguer dans l’incertitude » écrivait, cinglant, Nassim Nicholas Taleb dans son best-seller Le Cygne Noir – la puissance de l’imprévisible, en 2010.
Quelle valeur accorder encore aux prévisions des uns, quand celles de tant d’autres ont été balayées par l’imprévisible Covid-19 ? « Attends-toi à l’inattendu » répond Edgar Morin cette semaine dans Le Monde. Être paré à la manœuvre, quel que soit le phénomène à affronter.
Cela demande sang-froid, méthode et agilité. Pour savoir encaisser les chocs, et surtout pour savoir retrouver un cap sur un océan d’imprévisibilité. Car comme en mer, privés de repères, nos certitudes peuvent causer notre perte là où rigueur et technique peuvent nous sauver.
Mais pour cela, faut-il encore savoir lutter contre « le confort intellectuel et l’habitude (qui) ont horreur des messages qui les dérangent » renchérit le philosophe. Lutter contre soi-même, d’abord, et savoir engager les autres dans son sillage, tout de suite après.
Être préparés à agir !
Prendre de la hauteur ne sert à rien… si le passage à l’action ne suit pas.
La vision stratégique d’un dirigeant ne mène pas loin si ses équipes ne savent ou ne peuvent la mettre en œuvre. Or, passer de la vision à l’exécution requiert l’engagement et la coordination du plus grand nombre. Deux impératifs pour un leader qui veut faire de son cap une véritable destination plutôt qu’une utopie.
Et face à l’urgence du danger, ces deux qualités s’improvisent difficilement.
Certain.e.s sont né.e.s avec ces deux talents. D’autres les ont développés, à l’usage. Beaucoup les cherchent encore…
Or, avec un taux d’engagement moribond dans les entreprises françaises, et la déstabilisation structurelle de nos équilibres pré covid-19, charisme et expérience ne peuvent de toutes façons suffire. Il sera avant tout question de méthode. Et là encore, penser « faire comme avant » avec les mêmes outils, les mêmes méthodes, c’est prendre le risque de « reproduire les mêmes erreurs ». Non, pour engager et coordonner le renouveau, il faudra de nouveaux schèmes, de nouveaux leviers.
Cette crise mettra fin aux postures…
Si enthousiasmantes soient-elles, si sincères nous semblent-elles, les grandes idées – surtout celles pour un monde meilleur – ont toujours couru ce risque de n’être que fantasmes, ou promesses (électorales, publicitaires…), faute d’actions concrètes et immédiates pour en prouver le réalisme.
Mais notre époque consacrant la méfiance (voire la défiance) de l’opinion publique, fait courir un second risque – plus délétère encore selon moi pour notre société – aux idées qui seraient plus acclamées qu’appliquées : leur dévitalisation. Le rôle des idées n’est pas juste de susciter des réactions, mais de pousser à agir. La puissance d’une idée, c’est son énergie motrice. Une idée, c’est un souffle, une mise en mouvement.
Paradoxe de notre société du spectacle et du temps court, nous finissons par confondre jugement et action.
Partager un contenu inspirant, c’est réagir à l’idée qu’il propose. La juger pertinente, utile. Mais ce n’est pas encore la transformer en action. Participer à cette réaction en chaîne qu’est devenue l’opinion n’est pas agir, c’est compter sur la propagation de cette idée pour qu’un.e autre que soi finisse par s’en saisir. C’est, au mieux, de la communication. Au pire, une hypocrisie. De la lâcheté ?…
C’est pourquoi nous souhaitons être plus que des « passeurs » avec notre newsletter.
Nous nous appuyons nous-mêmes dessus pour designer nos propres nouvelles actions. A notre échelle, et pour les entreprises que nous accompagnons. Nous vous en reparlerons prochainement.
…et ravivera l’enjeu du collectif
Notre société « pré-covid » avait amorcé un nouveau contrat moral entre le citoyen-consommateur et les entreprises, renvoyant chacun à ses responsabilités réciproques. L’engagement individuel ne pouvant se passer – malgré l’effet de masse – d’une révision systémique et sans faux-semblants de la part des entreprises.
La situation actuelle participe, de façon inattendue et extrêmement violente, à consolider ce nouveau contrat moral en nouveau contrat social. La solidarité, parfois spectaculaire, née de cette crise pourra être mise sur le compte d’une réaction proportionnelle à la peur qu’elle suscite. Mais elle est peut-être aussi plus fondamentalement le rappel à chacun de notre interdépendance. Et que, de part et d’autre, l’intérêt personnel ne peut plus s’envisager sans respecter celui du bien commun.
Or, l’Histoire retiendra sans doute que cette crise est une conséquence de la prévalence d’intérêts supérieurs de certains sur l’intérêt universel.
Alors tâchons, ensemble et dès aujourd’hui, de voir plus loin que le coup d’après, pour enrayer cette spirale fatale. L’enjeu économique de chacun est sérieux, réel et vital. Il est donc légitimement prioritaire. Mais il n’en est pas pour autant supérieur. En l’espèce, la survie de chacun passera par la survie de tous.
C’est déjà cette idée qui nous mit en mouvement une première fois, il y a bientôt 10 ans, quand nous avons créé TalenCo avec Jean-Baptiste. Le drame sanitaire que nous vivons, et ses conséquences à suivre, renforcent aujourd’hui cette énergie motrice. Comme jamais ! Ce souffle nous pousse une fois encore à agir à vos côtés, pour ne laisser personne rater cette sortie de crise, et même pour en faire une opportunité de passer concrètement de la vision à l’exécution d’un nouveau modèle de société.
C’est notre façon de voir plus loin que le coup d’après…